Fin 2014, le groupe post-rock instrumental MONO sortait simultanément deux nouveaux albums, avec deux concepts différents mais complémentaires. Toutes les raisons pour repartir sur les routes en tournée avec de l’inédit dans ses bagages. Parmi une multitude de dates, toujours aussi nombreuses, le groupe faisait halte au Jubez de Karlsruhe le 15 décembre 2014 en Allemagne et Play of medley y était.
La salle, aux allures d’auditorium miniature de fac, n’est pas très grande, mais suffisante pour accueillir la centaine de personnes composant le public. Sur la scène se trouve déjà un gong en arrière plan et une multitude de pédales à effets jonchées sur le sol. Mais avant le quatuor, c’est Helen Money qui s’empare de l’espace scénique. Armé d’un instrument aussi grand qu’elle, cette violoncelliste entame son set dans la pénombre. Helen Money, n’est pas une novice ; à 55 ans, cela fait plus de vingt ans qu’elle est active sur la scène musicale. Ce n’est pas non plus sa première rencontre avec MONO, puisqu’elle a participé à plusieurs albums, apportant sa touche unique aux mélodies du groupe. En solo, sa musique rentre dans la catégorie du Doom. Grâce à une maîtrise classique de son instrument, Helen Money arrive à transformer le son du violoncelle en quelque chose de plus moderne. Dans un setting minimaliste à souhait, elle fait vibrer ses cordes à coup d’archer, sur fond de saturations lourdes. Sa musique est accentuée par sa prestance en opposition très modérée. Ses paroles prononcées se comptent sur les doigts d’une main : quelques merci, et les titres de quelques morceaux, rien de plus. Dans un genre plus agressif que MONO, mais toute aussi prenante, sa performance est une excellente entrée en matière.
Mais le public s’impatiente, et veut passer à l’acte principal. Après quelques minutes d’attente, le temps pour le staff d’accorder tout les branchements, le groupe fait son entrée. Simplement vêtu de noir, les membres se fondent dans la scène à la lumière tamisée. Seule Tamaki Kunishi se démarque avec ses escarpins rouges vernis.
Recoil, Ignite, le premier titre de l’album Ray of Darkness ouvre la marche. Le morceau débute tout en douceur et subtilités sur quelques accords mélodiques de guitare. La seconde guitare s’y rajoute suivi d’un léger rythme à la batterie. Comme sur la plupart de ses compositions, MONO joue avec la dualité entre moments calmes et déchaînés. Un crescendo émotionnel digne d’un bipolaire. La set list ne comprend que quelques titres, mais leur durée s’approchant des dix minutes, permet à tous de se laisser emporter au fil des notes. On y retrouve naturellement des pistes tirées des deux derniers albums, mais les précédents ne sont pas en reste. Les morceaux choisis sont parmi les plus puissants, faisant de ce concert une expérience unique. Touchés droit au cœur, les spectateurs ne sont pas rares à y verser, incontrôlables, quelques larmes. Le public de Karlsruhe ne fait pas exception. Le batteur remarque d’ailleurs l’un des fans en sanglot et s’enquerra d’un signe de tête de son état à la fin du concert.
Les accords aériens sont tout aussi touchants que les passages effrénés. Les yeux simplement fermés, chacun se laisse transcender par cette mélodie. Parfois Takada fait vibrer le gong imposant posé derrière-lui comme sur Unseen Harbor, parfois c’est à petits coups de baguette qu’il donne le rythme. Tamaki qui est principalement à la basse, a plus d’une corde à son arc. Selon les morceaux, elle s’installe sur la gauche de la scène dans la pénombre derrière un clavier (Kanata), ou au joue du xylophone (Ashes in the snow). Mais le point culminant arrive toujours lorsque Goto se laisse emporter par sa propre musique et finit au sol, appuyant sur ses pédales à effet, slappant sa guitare ou restant là assis comme extasié. A chacun de ces instants, le public le suit dans sa transe et headbangue au rythme magistrale de la musique. Que ce soit sur Pure as snow, lorsque les cymbales frétillent ou sur Ashes in the snow, l’atmosphère atteint le summum. Les douces mélodies se transforment en majestueuses batailles. La musique est presque visuelle. Chacun l’interprète à sa manière, selon son humeur. Que cela soit tragédie sanglante, passion déchirante ou bien colère, cette dimension orchestrale ne laisse pas de pierre, et une fois de plus tout le monde ressort conquit.
MONO sur scène c’est toujours du grand art, et ce malgré le son peu clair que propose cette salle de seconde zone. La dynamique entre hauts et bas, forts et doux, marque de fabrique du groupe, a un rendu phénoménal. Au point où l’on en pardonnerait presque le manque habituel de rappel. Il est alors temps de se remettre de ses émotions tranquillement, pensivement, la tête dans la brume comme au sortir d’un rêve à la fois doux et agité.
Photos : © Aurore Pesare / Play of medley
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