Mono n’est pas un novice niveau tournée européenne, au contraire, c’est presque une habitude qu’il soit de passage pour plusieurs dates sur le vieux continent. Et si Paris est assez peu fréquentée dernièrement, c’est pour le plus grand bonheur des provinciaux, notamment à Mulhouse où le groupe faisait étape au Noumatrouff le 1er mars dernier.
L’artiste américain Chris Brokaw, qui n’en est pas à sa première route avec Mono, réchauffe le public endormi par les températures hivernales. Sa musique s’assimile également au genre post-rock et sa performance, seul sur scène avec sa guitare, a le côté chaleureux de la folk. Le set est agréable et laisse le temps aux retardataires de prendre place. La salle n’est pas vraiment pleine, mais cela ajoute encore un peu à ce côté intimiste exceptionnel que l’on vit sur ce genre de tournée. Le public éclectique ayant fait le déplacement est composé d’autant de curieux que de fans de longue date. Les quatre membres de Mono prennent possession de la scène dans le silence total, et s’élancent dans ce qui va être une aventure instrumentale épique de toute beauté.
Legend à la lourde tâche d’introduire le concert. Les premiers accords se font légers mais le jeu s’accélère très vite. Les lignes de guitares aiguës, rapides et chevrotantes font l’effet d’une mandoline larmoyante. Ce soir le public aura le plaisir d’entendre quelques titres du dernier album, For My parents, mais surtout du précédent, Hymn To The Immortal Wind.
La plupart des morceaux joués suivent le même schéma : une intro lente, calme, presque une ballade qui monte en crescendo pour atteindre un final philharmonique grandiose. Ces morceaux instrumentaux longs de plusieurs minutes, marque de fabrique du genre comme du groupe, racontent des histoires. Leurs mouvements, tantôt lents tantôt énergiques, sont comme les chemins de la vie ; ils montent et descendent, parfois sans prévenir. Les transitions violentes n’en ont que plus d’effets : ça vous prend aux tripes.
Peine ou passion, les visages des musiciens sont souvent grimaçants comme pétrifiés de douleur, mais ce n’est que l’expression de la puissance de ces compositions si prenantes. Il n’est pas rare que certaines personnes soient au bord des larmes devant tant de beauté sonore. Parfois sombres, comme sur un champ de bataille sanglant ou reflet d’une introversion dépressive, rares sont les morceaux enjoués chez Mono, pourtant tout n’est pas triste pour autant. Les compositions sont comme la pluie qui a tendance à faire plonger qui la regarde dans ses pensées profondes, les yeux dans le flou, mais jouissant de ce moment en apesanteur. La musique de Mono joue sur les extrêmes, ici tout n’est qu’oxymore. Ce chaos paisible est appuyé par un jeu de lumière d’une dualité marquée. Les passages en retenue sont auréolés d’un éclairage rouge sombre un brin agressif alors que les lignes plus violentes sont illuminées par des tons plus froids ; quelques spots bleus et verts mais surtout une lumière blanche éclatante qui met en exergue le spectacle sur scène.
Du côté des membres, pas un mot ne sera échangé, ni entre-eux ni avec le public, néanmoins les notes qui pénètrent l’atmosphère touchent droit au cœur. L’émotion est maître-mot ce soir et les mélodies émouvantes de Takaakira Goto font œuvre de paroles. Les lignes onduleuses semblent chantées. La guitare rythmique à l’autre extrémité de cette petite scène s’en fait l’écho, voire dialogue avec elles comme un chœur. Les deux shoegazer, dans leur look et posture similaire, les cheveux devant des yeux fixés au sol, créent une étrange sensation de symétrie, comme si un miroir les séparait. Une force invisible traverse la scène de droite à gauche. Du coup, même lorsqu’elle joue du piano ou du glockenspiel, la bassiste Tamaki semble particulièrement en retrait niveau charisme. Elle se fond presque dans le décor, comme happée par le jeu virulent des trois autres musiciens. Difficile en effet de se démarquer sous les distorsions hypnotiques des guitares ou le tonnerre de coups intenses de la batterie. Les cymbales résonnent avec la force d’un orchestre en pleine interprétation wagnérienne. Burial at the sea et everlasting light sont de parfaits exemples de l’utilisation orchestrale de l’instrument.
Seul point noir au tableau, Yasunori Takada qui, derrière sa batterie, n’était vraisemblablement pas satisfait de l’ingé son, et qui n’a eu de cesse de s’agiter en faisant des gestes pour réduire le retour de son camarade Yoda, cassant l’atmosphère et distrayant souvent le spectateur en pleine transe musicale. Mais rien ne peut annihiler l’élévation qui se passe à l’écoute, à la sensation que produisent des titres aussi puissants qu’Ashes In The Snow ou encore Halcyon. Le rythme monte jusqu’à l’ébullition et reste au summum jusqu’à la dernière note.
Mono est sans conteste un groupe qui touche, émeut, dans une ambiance qui rejoint l’idée que l’on a du sublime, de la beauté obscure parfois morbide mais jamais glauque. Un concert de Mono c’est la réception décuplée d’une musique déjà prenante, au point de laisser couac les plus sceptiques. C’est une expérience tellement difficile à décrire avec des mots qu’elle pousse à l’emploi de superlatifs sans fin. Un événement à vivre absolument de plein fouet et où la seule erreur aurait été de l’avoir manqué.
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Photos : © Aurore Pesare / Play of medley
Setlist :
Legend
Burial at sea
dream odyssey
pure as snow
follow the map
Unseen harbor
Ashes in the snow
Halcyon
everlasting light