Le 13 mai était une date à absolument ne pas manquer pour tous les amateurs de rock japonais. A l’occasion de la mini-tournée européenne FUJI-ROCK du mois de mai 2012, 100% Genki Tour, trois groupes de rock indépendant japonais étaient de passage à Paris pour donner le meilleur aperçu de la scène rock indépendante japonaise. Miila & the Geeks, NOKIES! et 8otto ont accepté le challenge et se sont partagé la scène de l’Espace B. Retour sur cette soirée inoubliable.
Miila & the Geeks (Aurore)
Le 100% Genki fait une escale inespérée à Paris. Si l’annonce n’a pas été faite suffisamment tôt pour être relayée par des médias souvent à la traine, le bouche à oreille a lui fait tourner l’info assez rapidement. Cela dit, même si l’Espace B n’est pas très spacieux, il aurait volontiers pu accueillir quelques personnes de plus.
La soirée débute sur la prestation de Miila & the Geeks, composée de la meneuse Moe et de ses deux acolytes, Kaoru et Komori. Le premier campe derrière sa batterie tandis que le second apporte une touche inhabituelle avec son saxophone. Le trio est une explosion de caractères délurés : entre un petit brin de femme concentrée sur ses rythmiques répétitives, un batteur en mini-short moulant aux mimiques dignes d’une caricature d’opéra-comique et un saxophoniste déjanté et dissonant, il a tout pour attirer l’œil et agripper l’oreille du public.
Les morceaux s’enchaînent sans vraiment prendre le temps de s’arrêter, les membres ne s’attardant pas en discours et autres effets communicatifs. Ce qui compte c’est le bruit qui s’infiltre de manière cadencée. Ce jazz anarchiste est tout en récurrence. Les refrains simplistes sont répétés de manière robotique comme sur IN/OUT ou Want, deux morceaux qui résonnent comme un écho dans la tête de chacun. Moe et ses collants plein d’amour a plus d’une corde à son arc et échange aisément sa basse contre une guitare. Elle propose un son minimaliste équilibré par la folie de ses camarades. Ce côté mécanique des paroles ou des cordes se colore en effet grâce aux partitions improbables de saxo. Dans une prestation quasiment improvisée, Komori se lance dans un freestyle cacophonique écorchant des oreilles ébahies, faisant tourner les sons de manière psychédélique. Les notes dansent ivres, zigzagant sur les lignes droites des deux autres musiciens. Chaque membre offre en pâture une personnalité extrêmement forte, apportant sa pierre à une pyramide décalée, branlante mais qui arrive sans cesse à s’auto-stabiliser. Les morceaux comme Superhero ou Cigarette and Water, parmi les plus connus, feront vibrer l’Espace B, mais le public intimidé peut-être, reste en mode tour de chauffe, préférant observer cet ovni inattendu avec du recul et un œil sceptique plutôt que de se laisser aller dans cette spirale hypnotique.
NOKIES! (Angela)
Après quelques réglages, NOKIES! est le second groupe à monter sur scène. Si le quatuor est inconnu pour la grande majorité du public, il semble avoir un plutôt bon CV avec une participation au fameux FUJI ROCK FESTIVAL. Ce sont donc des yeux plein de curiosité qui se rivent vers ces japonais.
Dès les premières notes, on ressent une véritable rupture musicale par rapport au set précédent. NOKIES! nous gratifie de compositions aux sonorités pop-rock comme beaucoup de groupes japonais les interprètent. Le registre est donc plus mainstream, mais pas pour autant dénué d’intérêt. Les personnes qui étaient peu réceptives durant le set de Miila & the Geeks s’animent tout à coup et se mettent à secouer la tête au rythme de la musique pour le plus grand plaisir des membres incroyablement heureux d’être là.
Le chanteur est le plus enthousiaste et ne manquera pas l’occasion de nous le faire savoir en lançant de nombreux « je t’aime » entre les morceaux ou en faisant le show tout en chantant et en jouant du synthétiseur. Il essaie alors de communiquer en français puis invite une jeune fille parlant japonais à monter sur scène pour lui servir d’interprète. Les autres membres sont plus en retrait et se concentrent sur leur jeu, mais ne cessent d’être ébahis par la réceptivité du public.
Le groupe enchaîne sans déboires des titres mid-tempo fortement inspirés du rock britannique comme OSLO! ou Who cares, mais n’oublie pas de donner de petits coups de fouet à la foule avec des morceaux beaucoup plus funky comme We Are News In the dance floor, Our Way Home ou encore Andy. On apprécie globalement particulièrement les lignes de basse, mises en avant dans tous les morceaux, mais également la guitare rythmique clean très pêchue se mariant parfaitement au chant accentué de Yusuke Kume. Bien que ce dernier n’ait pas un accent anglais transcendant, son articulation permet de bien comprendre les paroles et ajoute une petite touche d’exotisme.
C’est avec regret qu’on apprend la fin de leur set, mais l’on espère les revoir bientôt dans nos contrées. On se console néanmoins en attendant la star de la soirée : 8otto !
8otto (Aurore)
8otto, est certainement le groupe le plus connu mais aussi le plus attendu de cette soirée 100% Genki. C’est lui qui assure la troisième et dernière partie du show. Le chanteur et sa batterie occupent le centre de l’étroite scène, entourés par le reste du groupe. Aux deux extrémités sont placés les guitaristes Seiei et Ryo, tandis que TORA le bassiste, qui ne tient pas en place- s’empare de chaque coin restant inoccupé. Le rôle de batteur-chanteur surprend souvent, peut-être parce que beaucoup ont peur d’avoir un front-man amorphe, mais que chacun rengaine ses craintes, Maeson ne reste pas collé à son siège, et le côté répétitif de ces compositions post-punk lui permet d’allier puissance et déchaînement.
Le set part en trombe avec la guitare grinçante et rock’n’roll de Voo Doo Bouo. TORA prend les devants de la scène, sourire collé aux lèvres tandis que Maeson se lève derrière son instrument pour chanter à plein poumons, tenant ses baguettes comme un poing révolutionnaire. Dans l’excitation, il dépasse la limite qui le sépare de son public pour hurler au milieu de la foule. Pendant ce temps, TORA assure le rôle de batteur en taquinant les cymbales, tout en continuant de jouer de la basse. Tout le monde est mis au jus, l’ambiance bat son plein sous les lourds grésillements des guitares, et ça ne fait que commencer. Le groupe enchaîne sans accroc avec deux autres titres incroyablement pêchus, tirés d’Ashes to Ashes. Generation888 et sa guitare rythmique font la course avec la batterie du chanteur. Les cymbales vibrent et le public se secoue de tout son corps. Le chanteur n’hésite pas à monter sur sa batterie pailletée aux couleurs reggae. You Just Not Only One a un côté plus lent avec un chant plus posé et mélodieux et dont le refrain est reprit avec délectation par la foule. Le baromètre de l’agitation n’a pas vraiment le temps de baisser puisque suit Uprising, l’un des derniers morceaux en date qui fût mis en téléchargement gratuit sur le site officiel du groupe. Avec son refrain tout aussi catchy, il reste dans le même ton. Le public est ravi et bouge en cadence sur chaque accord vibrant. Pas un morceau ne déçoit : une rythmique entraînante, une voix modeste mais accrocheuse, et des musiciens qui s’éclatent sur scène pour un effet contagieux, voilà la recette parfaite et implacable d’8otto.
La fosse est bouillante, les spectateurs se déhanchent sans se refréner au sein du petit espace qui sert de salle. Le rythme ne décélère pas. Le son hypnotique de la basse sur CHINA ou la mélodie à la The Pixies de Say, continuent de contenter les fans enthousiastes. Bien que le groupe joue plus longtemps que ses camarades de Nookies! et Miila & the Geeks, le concert n’en reste que trop court. Ryo, dans son apparence froide comme un bloc d’acier avec son regard glacial, ne manque pas d’humour lorsqu’il traduit dans un anglais sans accent les paroles du leader. Il annonce que le dernier EP est déjà épuisé, mais qu’il est possible d’acheter des T-shirt notamment et, ne trouvant plus ses mots, il conclue sérieusement par un « and other stuffs ». Sa force tranquille impressionne quelque peu, mais son côté pince-sans-rire fait mouche. Le groupe sort de scène, juste le temps pour le chanteur de changer de T-shirt. Tout le monde aimerait pouvoir faire durer le plaisir sur scène comme dans la salle, mais NY Punk arrive pour mettre un terme à cette performance pleine d’énergie. TORA toujours aussi excité, se saisit de son instrument comme d’une arme, après avoir une fois encore pris d’assaut l’avant de la scène. Dégoulinant de sueur, il essuie ses lunettes avec les doigts, mais difficile de croire qu’il continue d’y voir quelque chose. Les fans gigotent, pogotent et plus encore (tout comme Kaoru, le batteur de Miila & the Geeks qui se trouve activement parmi-eux). C’est le moment de donner tout ce qu’il reste, les dernières gouttes de sueur ne sont pas épargnées, tout le monde profite jusqu’à la dernière seconde.
8otto ne fait pas simplement de la bonne musique, mais sait tenir la scène peu importe sa taille. La proximité de ce soir-là n’a pas été une contrainte au contraire, le groupe a su en jouer. Les deux guitaristes, opposés capillairement, sont restés plus timidement chacun de leur côté, mais sans pour autant être déconnectés de l’atmosphère régnant dans la salle. Rien que pour suivre le bassiste survolté, deux yeux n’étaient pas suffisants, c’est donc presque salutaire de voir certains membres plus calmes que d’autres. Il ne reste qu’à espérer un nouveau concert plus long, plus complet, car le groupe ne manque pas de compositions impressionnantes qu’il faut absolument écouter en live. Et si le prochain live est tout aussi énergique, il ne pourra qu’être réussi.
Setlist :
1.Voo Doo バウアー
2.Generation888
3.You Just Not Only One
4.Uprising
5.Hyper,Hyper,Hyper
6.CHINA
7.Say
8.NYpunk
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Photos : © Angela Azzarone
Vous trouverez des galeries photos flickr de chaque concert ci-dessous.
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Galerie photo du concert de Miila & the Geeks à Paris