Quelques heures avant le concert du groupe, Play of medley se rend au Bataclan pour une conférence organisée pour la presse web. D’après les organisateurs, celle-ci semble mal partie, puisque le chanteur aphone souhaite logiquement préserver sa voix pour le concert de ce soir. La conférence se déroule au final mieux que ce que l’on aurait pu craindre, et bien que sa durée soit courte, reste intéressante. Le front-man, muni d’une petite voix qu’il doit parfois éclaircir, prend sur lui tout en répondant volontiers aux questions qui lui sont posées. Masafumi Gotô a en effet envie de parler et l’on aurait bien fait durer le plaisir à discuter avec lui sur des sujets autant musicaux que politiques, car c’est un peu trop rare pour ne pas le souligner, mais nous avons ici un groupe qui a des choses à dire.
Presse : Tout d’abord bonjour et félicitations pour votre venue en France. Vous avez connu différentes phases musicales dans votre carrière, vous étiez plutôt punk-rock au départ et vous vous êtes ensuite tournés vers un style plus aérien, pop et expérimental. Pensez-vous pouvoir encore faire évoluer votre style et si oui vers quoi ?
Masafumi Gotô : Au niveau évolution, nous ne savons pas encore quelles directions nous prendrons avec le prochain album.
Presse : Parmi les concerts que vous avez fait, quel est votre meilleur souvenir ?
Kiyoshi Ijichi : Notre performance sur le « Main Stage » (la scène principale) du FUJI ROCK Festival et cette tournée européenne.
Kensuke Kita : Je dirais le FUJI ROCK aussi mais au tout début de notre carrière. Nous avions joué sur une petite scène au beau milieu de la nuit, et l’on s’inquiétait de savoir si le public serait au rendez-vous, mais finalement il y avait plein de monde et ça reste un bon souvenir.
Takahiro Yamada : Mon meilleur souvenir, c’est notre premier concert solo. Nous avons suivi la progression de la vente des billets qui partaient plutôt bien. Et notre excitation grandissait en même temps.
Masafumi Gotô : En 2005, lorsque nous avons fait la première partie d’Oasis au Japon devant de 10 000 personnes. Oasis est un groupe mythique pour moi, j’étais donc très ému et excité.
Presse : Votre musique a pas mal évoluée depuis le début de votre carrière, qu’est-ce qui vous motive et vous donne encore envie de faire de la musique ?
Masafumi Gotô : En fait c’est difficile de l’exprimer juste en un mot parce qu’il y a vraiment plein de raisons pour faire de la musique et différentes motivations. Évidemment lorsque nous étions adolescents, lorsque nous avions la vingtaine, notre motivation était plutôt alimentée par l’ennui, la colère et ce genre d’impulsions. C’était la base de notre motivation. Mais plus on vieillit, plus on cherche l’harmonie entre les membres du groupe et la beauté des sonorités. La recherche du son, d’ASIAN KUNG-FU GENERATION, comme l’a souligné la première question, mais nous essayons aussi de faire un rock à la japonaise. Comment trouver ce style ? Nous essayons de le trouver, de trouver notre nationalité et notre identité. C’est cela que je recherche dans ma musique mais il y a plein de raisons différentes.
Presse : Le concert de ce soir est complet, imaginiez-vous être aussi populaire en France ?
Masafumi Gotô : Non. C’est vraiment incroyable.
Presse : Vous utilisez de plus en plus Internet notamment pour diffuser vos concerts dans le monde entier. Est-ce un outil qui vous tient à cœur et que vous souhaitez développer ?
Masafumi Gotô : Effectivement, Internet est un outil très important puisque par exemple, pour le public étranger, il nous est impossible de produire un show tel que nous le faisons au Japon lorsque nous jouons devant 20 000 personnes, comme nous en avons l’habitude. Il est impossible d’apporter le set, les décors etc. en France et en Europe. Comment partager ceci avec les fans étrangers qui ne peuvent pas venir au Japon ? Par le biais d’Internet. C’est donc un outil très important pour la diffusion et le partage avec l’étranger.
Presse : Qu’a déclenché en vous la catastrophe nucléaire de Fukushima pour avoir créé le journal The Future Times le festival No Nukes, qui utilise des panneaux solaires pour les alimentations électriques ?
Masafumi Gotô : Il y a quelque chose que je regrette énormément. En fait avant la catastrophe, je commençais déjà à rechercher des informations sur les centrales nucléaires et le recyclage des déchets qui sont très imposants et dangereux, et j’étais au courant de cette problématique avant même le tremblement de terre et l’accident de Fukushima. Mais c’est vrai qu’au Japon, il y a de fortes pressions lorsque l’on parle de ce genre de sujets politiques et du nucléaire notamment. Je n’ai donc pas vraiment pu commencer mon action avant l’incident. C’est regrettable, car si j’avais commencé plus tôt, peut-être se serait-il passé quelque chose, des gens se seraient réveillés. On ne peut pas savoir, mais ce regret est aussi une motivation aujourd’hui qui me pousse à lancer ces actions.
Presse : L’illustrateur Nakamura Yusuke a l’air d’être indissociable de l’identité d’AKFG. Est-il est considéré comme un autre membre du groupe ou est-ce que le groupe pourrait exister sans lui ?
Masafumi Gotô : Effectivement, il est le cinquième membre du groupe et il va continuer de faire ses dessins pour nous jusqu’à sa mort. Ça c’est sûr et certain. En fait on avait souhaité l’emmener avec nous et mettre une chaise pour lui pour cette conférence mais il est tellement dingue, ça risque un peu de tâcher la popularité du groupe, donc ne l’a pas fait venir, désolé.
Presse : Quelle est parmi toutes vos chansons, celle qui représente le mieux AKFG ?
Masafumi Gotô : (Il réfléchit en regardant la pile de CD disposée devant lui alors que les autres membres sourient) C’est une question difficile. Cela sera mon devoir pour la prochaine fois. Je vous répondrai quand je reviendrai.
Presse : Dans quel état d’esprit êtes-vous à l’orée de ce premier concert français ?
Kiyoshi Ijichi : En fait nous arrivons de Londres et en comparaison, on mange bien mieux ici.
Kensuke Kita : La moindre petite rue, les carrefours, les bâtiments, tout est tellement joli, c’est vraiment impressionnant.
Takahiro Yamada : J’ai visité quelques monuments historiques à Paris, et tout est vraiment impressionnant. C’est beaucoup plus grand que je ne le pensais, j’aimerais pouvoir rester plus longtemps à Paris.
Masafumi Gotô : A travers toutes ces jolies vues, ces bâtiments, ces vieilles choses, on ressent la culture, l’Histoire dont les français sont fiers. Tout cela on le ressent en marchant dans la rue. A Tokyo, la gare a été refaite il n’y a pas longtemps. En fait le but au Japon est -au contraire- de détruire pour renouveler, et je trouve cela un peu dommage.
Presse : Pour rebondir sur votre position contre le nucléaire. Est-ce difficile de combiner ce genre d’engagement en tant que groupe populaire ou est-ce un devoir de faire passer un message ?
Masafumi Gotô : Je pense effectivement que c’est un devoir pour le groupe, mais en réalité, il y a beaucoup plus de gens populaires qui ne parlent pas, qui ne disent rien à cause des pressions. Par rapport à la société occidentale, être engagé au Japon c’est quelque chose à éviter. Mais en tant que Japonais, c’est quelque chose qu’il faut faire. Je n’ai pas de honte, je ne culpabilise pas et j’espère que cet esprit puisse s’ouvrir un peu plus au Japon par le biais de ce genre d’actions. En fait le problème de ces gens célèbres qui se taisent ce n’est pas forcément parce qu’ils ne pense rien, c’est qu’ils ont peur de se voir retirer leurs sponsors et donc de perdre leur travail. Mais nous sommes un groupe indépendant ; le journal en question c’est nous qui le finançons nous-même, tout cela est donc assez autonome. Je souhaite continuer d’étudier ces problématiques et d’en parler.
Play of medley remercie Bishi-Bishi et ASIAN KUNG-FU GENERATION pour avoir rendu cette interview possible.
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